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Pendant la détention en maison d'arret, le détenu reçoit un minimum d’informations souvent inexactes au sujet de la durée de la détention et des aides provisoires.
Pendant cette période qui peut durer plusieurs mois, on observe les situations suivantes :
1. Le détenu nourrit des doutes, des interrogations et de l’incompréhension au niveau
des raisons, de la durée et de la finalité de la détention. La vie y est pire qu’en prison,
il n’a pas commis de crime.
2. Le détenu est appelé et désigné par un matricule. Exemple : B.4. Il n’a
plus de nom, de prénom, d’origine, il est dépersonnalisé.
3. Le mode de vie est inhumain et non respectueux de l’intimité de l’individu et non
conforme à une vie dans la dignité. Les communications téléphoniques sont interdites oo
surveillées. En cas de réclamation ou de refus d’obéir, les punitions et les représailles
sont appliquées : coupure de téléphone, injures, coups, cachot.
Des activités infantilisantes sont organisées : jeux, collage de cartes, etc.
Il y a surpopulation.
4. Le détenu qui a perdu son identité et son intimité sombre petit à petit dans la
dépression nerveuse, qui peut mener au suicide.
Cette dépression se présente sous la forme de
- désespoir
- crise de larmes
- décompensation psychologique
- crises d’angoisses
- insomnies
- tentative de suicide (pendaison)
- geste de désespoir (verre cassé avalé, tentative de suicide…)
5. Le détenu comprend vite qu’il ne peut ni se fier ni se confier, et sombre dans le
découragement et le sentiment de solitude totale. Il est coupé du monde réel et ceci à
durée indéterminée.
6. Apparition de syndrome de Stockholm :
Le personnel, y compris les médecins, se répartit le rôle du gentil confident, du
conseiller amical et le rôle du gardien méchant, des chefs agressifs. Il n’est qu’un
pantin dans les mains d’une équipe qui exerce sa toute-puissance.
7. Les détenus vivent une vie morne, vide, lassante, et se replient sur eux-mêmes.
8. Le détenu se voit proposer des substances dangereuses, qui provoquent une
dépendance, par les infirmiers et les médecins, comme seule solution à leur mal-être.
En cas de refus, c’est la mise à la porte du bureau et le cachot.
(Exemple :
9. Le détenu se trouve sans argent, mais il en a besoin pour téléphoner, notamment à
son avocat. Il ne peut pas gagner d’argent, seulement des points en faisant des
corvées pour la collectivité.
10. Le détenu perd le contact avec la réalité et avec la vie à l’extérieur.
Il présente des troubles spatio-temporels. Il n’a pas de futur, le temps ne passe pas, il
n’a plus de repères.
11. Il est difficile d’avoir, pour le détenu, des contacts avec l’extérieur. Les contacts avec
la Ligue des droits de l’homme, sont mal vus et mal considérés, le détenu est alors
traité comme un mauvais sujet.
12. Le séjour en centre fermé se termine parfois par . Lors de celle-ci, il y a jusqu’à cinq policiers pour un détenu. Il est
bâillonné et attaché au niveau des poignets et des chevilles, certains policiers
donnent des coups sur le thorax.
A la maltraitance psychique se rajoute l’humiliation et la maltraitance physique. Le
détenu se sent cassé.
Les blessures consécutives aux coups et à la brutalité exercée lors de l’expulsion
sont des ecchymoses, des hématomes, des fêlures et fractures costales. (Les
douleurs costales se font encore sentir six à huit semaines après l’accident.)
13. Il y a des femmes enceintes, des enfants dans le centre 127bis.
14. Pendant sa détention, le détenu peut développer des troubles définitifs,
cardiovasculaires, psychomoteurs, des névroses d’angoisse, des épisodes de
paranoïa, des dépendances médicamenteuses d’
psycho-physique sévère.
iatrogéene et une dégradationEN CONCLUSION
Un certain nombre de détenus présentent dans les mois qui suivent leur libération ou leur
expulsion, un SYNDROME POST-TRAUMATIQUE soit de type court (quelques semaines),
soit de type long (quelques mois ou quelques années).
Le syndrome demande une thérapie adéquate et parfois un traitement médical. On ne peut
évaluer la durée d’un tel syndrome. Les séquelles sont multiples, difficiles à vivre pour
l’individu et constituent un handicap réel dans une vie normale.
Un être humain peut, suite à un enfermement en détention, devenir un être blessé,
cassé dont l’existence est, et sera, très difficile jour après jour.
Docteur Christine DORMAL